En France, les médicaments utilisés contre le reflux se sont installés partout, des ordonnances aux armoires familiales. Apparues dans les années 1990, ces molécules bloquent la pompe à protons et soulagent brûlures d’estomac et ulcères. Leur usage massif interroge désormais la sécurité des traitements anti-reflux pris très longtemps. Des études récentes invitent surtout à mieux encadrer ces prescriptions médicamenteuses aujourd’hui.
Anti-reflux et IPP, des traitements devenus très courants
Oméprazole, pantoprazole, lansoprazole figurent parmi les molécules les plus prescrites chez l’adulte en France, affirme ma-sante.news. Ces médicaments diminuent fortement l’acidité gastrique et appartiennent à la famille des inhibiteurs de la pompe à protons. Ils ont transformé la prise en charge du reflux gastro-œsophagien, des ulcères et des lésions dues aux anti-inflammatoires.
On les retrouve dans presque toutes les pharmacies de quartier et dans de nombreuses armoires à pharmacie domestiques. Chez les personnes âgées, ces gélules s’ajoutent souvent à une longue liste de traitements quotidiens. La facilité de prescription et le soulagement rapide obtenu expliquent en partie cette banalisation.
Une étude d’EPI-PHARE a montré qu’en 2015 près d’un quart des Français recevait au moins une prescription d’IPP. Ce volume illustre l’ancrage de ces traitements dans la pratique quotidienne. Le problème survient lorsque le traitement anti-reflux prévu pour quelques semaines se prolonge pendant des années sans réévaluation.
Anti-reflux au long cours, ce que disent vraiment les études
Plusieurs travaux observationnels se sont penchés sur la prise prolongée d’IPP. Une cohorte britannique a observé un risque relatif de cancer de l’estomac augmenté d’environ 45 %. Ce signal concernait des patients sous IPP comparés à d’autres traités par antagonistes H2, une famille d’anti-acides plus ancienne.
Une étude sud-coréenne a également suivi des patients pendant plusieurs années de traitement. Elle rapporte un risque de cancer gastrique plus que doublé après un usage prolongé de traitements anti-reflux. Une revue regroupant 21 méta-analyses indiquait que 20 d’entre elles retrouvaient un sur-risque compris entre 1,3 et 2,9.
Ces chiffres peuvent impressionner, mais ils proviennent d’études observationnelles. Elles mettent en évidence une association statistique, pas un lien de causalité démontré. L’état digestif initial et une infection à Helicobacter pylori pèsent déjà lourd sur le risque gastrique. Le tabac, l’alcool et l’alimentation viennent encore compliquer l’interprétation des résultats.
Mieux encadrer ces traitements pour protéger l’estomac
Les chercheurs examinent les effets des IPP sur l’estomac pour expliquer ce signal. En réduisant l’acidité, ces médicaments font grimper la gastrine et pourraient modifier muqueuse et flore, sans preuve formelle. Cette hypothèse, discutée depuis plus d’une décennie, accompagne désormais un usage massif et prolongé des IPP.
Ils ne remettent pas en cause les situations où un IPP est nécessaire. Pour une œsophagite sévère, un ulcère documenté ou une protection indispensable, le recours à ce traitement anti-reflux reste pertinent. Indiqué au bon moment et limité dans le temps, il offre un rapport bénéfice risque favorable.
En revanche, quand la même gélule est prise pendant longtemps, il faut s’interroger. Dans ce cas, mieux vaut en parler avec son médecin plutôt que d’arrêter brusquement. Un arrêt brutal peut entraîner un rebond acide très désagréable. La Haute Autorité de Santé et les OMEDIT le rappellent régulièrement. Ces médicaments ne doivent ni être prescrits par réflexe ni être envisagés comme des traitements à vie.
Reparler de son traitement pour garder un bon équilibre
Les études récentes ne transforment pas les IPP en médicaments à éviter, mais elles rappellent la nécessité d’un suivi. Pour chaque patient, la balance bénéfice risque doit rester claire, surtout lorsque le traitement se prolonge. En cas de traitement anti-reflux pris depuis longtemps, un échange avec le médecin s’impose. Il permet d’ajuster la durée et la dose tout en conservant une marge de sécurité.